La crise a favorisé les fonds souverains du Golfe
Avec un cours du pétrole autour des 100$ depuis 2011, les pays disposant de réserves d'or noir peuvent avoir le sourire. Si certains pays cherchent à trouver la parade en explorant la piste des hydrocarbures alternatifs (gaz de schistes aux USA, pétrole bitumineux au Canada), la majorité des grandes puissances importent en masse. Et à ce jeu-là, les pays du Golfe persique tirent leur épingle du jeu.
Ces différentes puissances énergétiques ont mis en place depuis de nombreuses années des fonds souverains pour rentabiliser les revenus issus du pétrole et du gaz. Avec les cours élevés des derniers mois, ces fonds sont régulièrement abondés: le Koweit a annoncé récemment que le quart des revenus 2013 du pétrole serait confié à son fonds Kuwait Investment Authority (KIA).
Cette politique active de placement a poussé les fonds souverains de ces pays vers les sommets. Si la première place reste la propriété de la Norvège (775,2 milliards de dollars), les puissances du Moyen-Orient effectuent un tir groupé: Arabie saoudite (680 milliards), Abu Dhabi (627), Koweït (400), Qatar (175), Oman (16) et Bahreïn (11) se suivent, avec seulement quelques fonds souverains d'Extrême Orient intercalés, selon une étude publiée en octobre par le cabinet Preqin. A eux six, ces fonds d'investissements représenteraient aujourd'hui plus du quart des sommes mondiales des fonds souverains (1600 milliards de dollars sur 6000).
La crise a permis de recruter des spécialistes
La crise? Son impact n'a pas été si défavorable: les cours du pétrole ont continué de croître, la situation de nombreuses cibles pour les investissements a été fragilisée (facilitant les politiques offensives des dirigeants de ces fonds) et les difficultés du monde de la finance ont permis de recruter des spécialistes issus de l'univers de la finance anglo-saxonne. La crise leur a permis « d’attirer et recruter de nombreux professionnels des banques anglo-saxonnes et du monde de l’investissement. Ces embauches vont leur permettre de se développer davantage sur des classes d’actifs et expertises pointues (capital-investissement, immobilier, “hedge funds”…) », explique Sébastien Henin gérant de portefeuille chez The National Investor, au quotidien français Les Echos.
Ces spécialistes ont poussé les gestionnaires des fonds souverains à diversifier leurs investissements. Entre 2005 et 2012, les six fonds souverains du Golfe persique alliaient actions (50%), obligations (20%), immobilier (13%) et autres placements (hedge funds, infrastructures,...). En privilégiant toujours des placements sûrs (luxe, tourisme et énergie pour les actions, dette publique pour les obligations). Mais l'arrivée des professionnels de la finance a poussé certains investissements plus risqués. Ainsi, la Qatar Investment Authority (QIA) s'est clairement positionnée sur le marché actions depuis près de trois ans. Ce faisant, il se distingue de ses homologues saoudiens qui continuent de privilégier le marché obligataire.
Un interventionnisme nouveau
Le fonds qatari, célèbre pour avoir racheté le club de football du Paris Saint-Germain en 2011, suit une stratégie concertée au niveau de son autorité de tutelle, la Qatar Foundation (qui elle s'est retrouvée sur les maillots du FC Barcelone), qui orchestre les tactiques entre les différents fonds souverains (QIA, mais aussi Qatar Holding, Qatar Exchange, Qatar Dubai Investment,...). C'est ainsi que QIA a pris pied dans le capital de grandes sociétés européennes (Volkswagen AG, Glencore Xstrata,...), n'hésitant pas à s'opposer aux choix des actionnaires majoritaires quand ceux-ci se trouvaient défavorables aux intérêts qataris. Les prises de participation croissantes dans le domaine du luxe (Harrods) et de l'hôtellerie sont aussi en croissance.
Cette visibilité accrue marque un tournant dans la stratégie des fonds souverains, souvent vus comme des investisseurs sages et discrets, et particulièrement ceux des pays du Golfe, réputés pour leur discrétion au sein des conseils d'administration où ils siègent. Une stratégie souvent vue comme une volonté de ne pas froisser les autorités politiques des pays occidentaux, méfiants vis-à-vis de ces investisseurs étatiques. L'arrivée des spécialistes de la finance anglo-saxonne et les fonds supplémentaires mis à disposition par les dirigeants des pétromonarchies semblent avoir dopé certaines ambitions.