Qui est George Pell, ministre de l'économie du pape François?
En 1967, Paul VI avait créé une Préfecture pour les affaires économiques du Saint-Siège, qu'il avait confiée à Angelo Dell'Acqua, l'un de ses plus proches collaborateurs. Mais cette structure, qui avait pour mission de superviser et gérer les biens temporels des différentes administrations relevant du Saint-Siège, restait un dicastère secondaire, loin du rôle crucial du Secrétariat d'Etat. Au fil des ans pourtant, les missions se sont étoffées: Radio Vatican et le Centre de télévision du Vatican, propriétés foncières et immobilières hors du périmètre romain du Vatican (dont la résidence d'été de Castel Gandolfo), Institut pour les œuvres de religion (souvent appelée Banque du Vatican) et, depuis 2010, l'Autorité d'information financière.
Voici quelques jours, François a donc décidé de réformer ce pan de l'église en créant un secrétariat pour l'Economie, véritable ministère de l'Economie de la Cité-Etat pontificale. Et les missions seront élargies et renforcées: le titulaire du poste et son équipe auront la main sur toutes les activités économiques et administratives aussi bien pour les activités au sein de la Cité du Vatican que pour les missions internationales du Saint-Siège. Parmi ses rôles, le futur ministre de l'économie du Vaticam devra notamment élaborer le budget annuel, s'occuper de la gestion financière du Saint-Siège au quotidien (notamment le volet ressources humaines), remettre au pape un rapport trimestriel,... Pour le blog Vatican Insider, qui suit de très près et avec un oeil critique l'actualité de l'état pontifical, ce changement est rien de moins que révolutionnaire.
Toutefois, si la création de ce ministère était attendue par les observateurs, le nom du titulaire devait aussi être crucial. Et le souverain pontife a porté son choix sur George Pell, actuel archevêque de Sydney. Un prélat expérimenté (il est âgé de 72 ans) pour devenir le nouveau numéro 3 du Vatican. Mais un homme d'Eglise dont la promotion suscite des réactions contrastées en Australie.
Du côté des critiques, certains dénoncent un prélat qui a passé sous silence voire même protégé des prêtres soupçonnés d'abus sexuels sur des enfants. George Pell a longtemps tenté de rester prudent sur le dossier. Il a fallu attendre 2012 pour obtenir de sa part une prise de position claire et tranchée: «l'Eglise a honte, et s'est excusée plusieurs fois. Beaucoup de mal a été fait à la réputation de l'Eglise, mais avant tout, aux victimes», avait-il alors déclaré. L'un de ses partisans, Greg Craven, note toutefois que «ce que l'histoire retiendra, c'est que le Cardinal Pell a été l'un des premiers à s'être exprimé sur ce sujet. Maintenant, les premières réactions ne sont jamais parfaites, mais il a clairement pris position. Quand la Commission Royale d'Enquête a été mise sur pieds, il a de nouveau été l'un des premiers à dire qu'il fallait réformer l'Eglise».
Un autre reproche qui ressort souvent des réactions observées en Australie est son obsession de «faire carrière». Au sein même de l'Eglise catholique australienne, des prêtres regrettent son désintérêt de la gestion du diocèse de Sydney. «Que ce soit au sein de l'Eglise ou dans sa vie d'avant, le Cardinal n'a jamais travaillé aux côtés des pauvres, des parias ni des marginaux. Il n'était pas réellement intéressé par le diocèse de Sydney, pour lui ce n'était qu'une étape sur sa route vers le Vatican», dénonce notamment le père Daniel Donovan, curé dans la ville australienne.
Une image aux antipodes du discours délivré dans le quotidien italien Il Sole 24 Ore sitôt sa nomination connue. George Pell y professait son envie de rapprocher l'Eglise catholique et donc le Vatican des plus démunis. «Le Saint-Père m'a confié une mission très importante dont l'objectif est de gérer au mieux les ressources de l'Eglise et de pouvoir les destiner aux pauvres», explique-t-il notamment dans cet entretien. Un cap qui aurait déjà été le sien à Sydney selon Greg Craven: «Le cardinal Pell a fait beaucoup pour les œuvres de charité de l'Eglise, il a construit et consolidé les finances de l'Eglise en Australie, ce qui a permis de financer l'éducation et les services sociaux, médicaux, il a une réputation remarquable en tant que gestionnaire et chef politique». Une ligne qui collerait avec les missions confiées
Et maintenant? Le choix d'un Anglo-Saxon pour diriger les finances n'est déjà pas anodin. Pour Mark Coleridge, archevêque de Brisbane, «il est important de noter que le Pape, un latin, puisqu'il est Argentin, a choisi un Anglo-Saxon pour gérer les finances, parce que nous les anglophones, nous avons une autre façon de gérer les finances, il y a des différences culturelles très fortes».
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