Mike Horn: «Notre envie de gagner est toujours la plus forte»
Considéré comme l’un des plus grands explorateurs de tous les temps, Mike Horn repart aujourd’hui pour l’Australie poursuivre l’expédition Pole 2 Pole, après avoir achevé sa traversée de l’Antarctique à pied en février. Joint par téléphone en Nouvelle-Zélande, la veille de son départ, c’est l’occasion de le questionner sur ses motivations, sur le profil des expéditions que la nouvelle génération réclame et sur le choc de la disparition de Ueli Steck. Extrait de la grande interview à paraître dans le prochain Hors-Série Bilan Luxe du 14 juin.
Qu’est-ce qui vous motive dans la recherche des extrêmes et de l’exploration du monde sauvage?
L’exploration n’est pas que de gravir des montagnes ou de traverser une jungle. L’exploration devient vraiment intéressante lorsque l’on découvre les limites à l’intérieur de soi, lorsque l’on surpasse les obstacles que l’on a à l’intérieur de nous-même.
Vos ressources mentales vous surprennent-elles encore ?
Oui. On se dépasse surtout lorsque les choses ne se passent pas comme prévu. A contre-courant, on ne peut compter que sur ses connaissances et sur sa manière de gérer les problèmes. En conditions extrêmes, lorsque normalement on se dit qu’il n’y a plus de solution, c’est là que le cerveau produit une nouvelle approche du problème. Le mental s’ouvre. Mais pour cela, il faut se confronter au terrain. On ne peut pas l’expérimenter dans son salon.
Connaissiez-vous Ueli Steck ?
Je le connaissais très bien. Dans ce monde d’aventure, on n'est jamais à l’abri de l’accident. Mais notre envie de gagner est toujours plus forte que la peur de perdre. C’est la raison qui nous pousse à faire nos explorations. On le fait pour se sentir vivant, pas pour mourir. Ce n’est pas le premier ami que je perds. Je peux en nommer beaucoup. Erhard Loretan, Ueli Steck maintenant. Ça a été un choc. Un choc qui me montre la réalité. Mais les expéditions accomplies les rendaient heureux. Et lorsque vous vivez ce bonheur, les grands objectifs se transforment mission.
Peut-on vraiment accepter de mourir ?
(hésitation) Je ne sais pas. Je n’accepterai jamais de mourir. Mais les accidents arrivent vite, il n’y a pas le temps de la réflexion. On survit et on se bat pour rester vivant. On n’acceptera jamais de mourir jusqu’à ce que l’on voit l’instant arriver. Je sais que c’est une philosophie qu’Ueli avait aussi. Quand vous glissez et que vous tombez, vous ne pouvez rien faire. La mort devient alors une réalité que vous acceptez. Mais avant cela, je ne pense pas que ce soit évident d’ accepter de mourir. On tient à notre vie.
J’ai souvent été proche de la mort. Quand on se bat vraiment juste pour rester vivant, comme pendant l’expédition en Antarctique que je viens de terminer - la plus dure de ma carrière - on ne se bat pas autant, si l’on n’a pas la vie en soi, ancrée viscéralement. Mais il est vrai que l’on vit dans un autre monde, où les priorités ne sont pas les mêmes. Rester vivant est notre plus grande priorité.
Comprenez-vous cette notion de vitesse ?
Ueli Steck était l’un des meilleurs du monde, un très grand spécialiste. Ses succès, ses records étaient dus à ses très grandes préparations. J’ai un immense respect pour lui. Mais ma notion du temps, la manière dont je le valorise n’est pas la même. Il comptait ses expéditions en heures, moi je les compte en semaines, en mois, voire en années.
Mes explorations sont différentes. L'expédition Pole 2 Pole va durer deux ans. Un mois de plus n’a pas d’importance. Et je peux le faire grâce à mes deux sponsors, dont la marque de montres Panerai. Mais pourtant, moi aussi je dois changer. Le succès commercial demande des temps plus courts. Pour cela, il faut d’avantage de préparation, d’entraînement. D’ailleurs, pour la traversée de l’Antarctique, j’ai quand même fait un record en 56 jours et 22 heures. Aujourd’hui, partir pour le record, c’est une science. La nouvelle génération a changé la donne, c’est devenu la réalité.